Auteurs : | Rebecca Matosin, Florence Delorme & Pierre Launay |
Genre : | Recueil de pièces |
Thème : | Amour, couple, . |
Effectif : | de 2 à 10 comédiens adultes ou adolescents |
Public : | Adultes et adolescents |
Destination : | Scène amateur |
Duréee : | de 45 minutes à 1h30 |
(...)
Thé, âtre.
Pas étonnant, avec un nom pareil, que personne n’y aille !
On n’aurait pas pu appeler ça… je ne sais pas moi, « Café-cheminée » ? « Pinard-cuisinière » ? « Ricard-Butagaz » ? « Pastaga-radiateur » ? « Pernod-chaufferette » ? « Beaujolais-convecteur » ? « Rince-cochon-chauffage-central »? Ça au moins ça ne ferait pas fuir les gens ! Ils viendraient comme ils sont, en slip et en marcel, on leur mettrait des canapés au lieu de ces fauteuils à la con, il mangeraient des chips, du pop-corn et des cacahuètes en buvant de la bière et au lieu de les emmerder avec des histoires de gonzesses amoureuses de l’assassin de leur père ou d’homos refoulés ou d’ouvrier contestataires ou de princes danois qui parlent à des têtes de morts, on leur mettrait des intrigues simples à comprendre pour qu’ils puissent participer à l’action, du cul, du foot… C’est quand même pas compliqué à comprendre ! Si on faisait comme ça, d’abord il y aurait plus de mecs dans le public et surtout y’aurait moins de gonzesses, ou bien des moins bégueules. Celles qui refuseraient la rigolade on les foutrait à poil si elles sont bien roulées et si elles sont moches, à la vaisselle ! On va quand même pas se laisser emmerder quand c’est qu’on se cultive !
Bon, mais où j’en étais ?
Ah oui !
Pourquoi écrire pour le théâtre ?
Ben oui… faut bien dire… c’est une drôle d’idée. Comme si on n’avait pas assez d’emmerdement comme ça avec… avec tous les emmerdements qu’on a ! Comme si il fallait en rajouter une couche avec les histoires de gens qu’existent même pas si ça se trouve. Parce que c’est pas parce tu les vois là devant toi en vrai qu’ils existent, hein ! Moi, on me la fait pas ! C’est tout du pipeau ! Le type là qui te dit qu’il va mourir d’amour et tout parce que la femme qu’il aime et ben, elle, elle l’aime pas… c’est tout inventé ! C’est même pas vrai ! Il va même pas mourir ! C’est des conneries ! Je le sais bien, j’ai vu la pièce trois fois et c’était trois fois le même comédien… C’est bien qu’il était même pas mort non ? C’est pas une preuve ça ? Bon. D’accord, on m’a dit que j’aurais pu m’en rendre compte au moment du salut parce que là on voyait bien qu’il était pas mort en vrai, le type. Mais au moment du salut, j’y voyais rien. Je sais pas pourquoi mais à chaque fois j’avais de la flotte plein les yeux …
Toute façon, le théâtre j’y vais plus.
Je préfère les infos à la télé. Là, au moins, je peux regarder des exilés qui se noient, des étrangers qui meurent de faim, des familles qui crèvent sous les bombardements, des hommes politiques qui pelotent les filles, des économistes qui se foutent de ma gueule, la météo, les résultats des championnats de ci et ça, ça me fait jamais chialer. Ça me fait pas rire non plus, c’est vrai, ou alors d’un rire sale qui me fait honte mais ça fait rien, je suis chez moi, je fais ce que je veux… Des fois on rigole pareil le lendemain à la machine à café quand on parle de ce qu’on a vu la veille. Comme le café est dégueulasse il faut bien se marrer un peu non ? Et puis comme on est plusieurs, on a moins honte. Juste, la machine est en plein couloir et il y a des courants d’air alors ça caille et le café est tellement dégueu que ça réchauffe pas du tout.
Ça serait bien si on avait un coin sympa pour la pause, un endroit moins moche, sans courant d’air…
Purée, ce café ! C’est plus possible ! Je vais essayer le thé pour un coup.
…il y aurait des fauteuils, même des vieux, c’est pas grave, on pourrait en ramener de chez nous je suis sûr.
On serait bien… il y aurait une cheminée et au lieu de rire de trucs vulgaires on regarderait le feu, les flammes qui monteraient dans l’âtre…
Pierre Launay