Le Saut du Vent

Florence Delorme & Pierre Launay

Auteurs : Florence Delorme & Pierre Launay
Genre : Comédie.
Thème : Chasse, mensonge, amitié.
Effectif : 4 hommes, 8 femmes.
Public : Tout public
Destination : Scène pro et amateur
Durée : 1h30

Un accident dans un village au cœur de l'hiver. Le mort n'était pas commode. Il n'était pas tout à fait ce qu'on en savait. Les autres non plus. Est-ce bien un accident finalement ?

Extrait

Ils vont et viennent entre la salle où ils installent à mesure des plats sur la table, ils coupent du pain, préparent des bouteilles, des verres…

Marceau.

— C’est sympa cette coutume de la veillée. Quand j’étais en ville en bas, il n’y avait pas de trucs comme ça…

Françoise.

— Quand même, veiller les morts, c’est pas ce qu’on fait de plus marrant dans les villages… Tu vas pas me faire croire que ça te manquait à ce point, en ville !

Marceau.

— Non, bien sûr… Mais en ville quand tu n’as pas les mêmes horaires que les autres, tu rencontres pas grand-monde. Ici non plus, remarque…

Françoise.

— Oui, la différence, c’est qu’ici, même quand tu as les mêmes horaires que tout le monde, tu rencontres personne ! Dieu merci, il y a les enterrements pour qu’on rigole un peu !

Marceau.

— Moi, ce que j’en dis, c’est histoire de parler hein ! Si tu te moques…

Françoise.

— Mais non, je ne me moque pas… (Un silence.) Bon, je me moque un petit peu… Toi, tu redécouvres St Guillaumin,… mais moi, j’ai été trente-huit ans institutrice ici ! Tu te rends compte ? Trente-huit ans ! La dernière année, j’ai eu dans ma classe la petite-fille d’une de mes premières élèves… Quand ça t’arrive, tu te dis qu’il est grand temps de t’en aller.

Marceau.

— Alors vous êtes partie ?

Françoise.

— Même pas. Pour aller où ? Toute ta vie tu penses que tu partiras, que tu n’en peux plus des mêmes têtes, des mêmes histoires, et puis un jour tu n’as plus envie et tu ne sais même pas depuis quand… Peut-être que tu t’es habituée ou que tu n’en vaux plus la peine, ou que personne ne t’attend nulle part, que le soleil, le bord de la mer, la liberté, tu ne les mérites plus…

Marceau.

— Dites-donc, c’est un peu triste votre histoire.

Françoise.

— Mais non, c’est pas triste, c’est la vie, c’est tout. Et pour animer tout ça, on a de beaux enterrements… Tout à l’heure, ils vont tous passer ici pour boire un verre, parler de Fernand, de leurs affaires, de la dernière fois qu’on avait enterré quelqu’un, et puis quand ils auront échangé des nouvelles, ils rentreront chez eux en se disant qu’Untel a bien grossi, que sa femme a pris un coup de vieux, que son fils a bien réussi dans les affaires, c’est pas comme celui-là qu’a fait de la prison…

Marceau.

— Ouais, ben décidément, c’est pas drôle du tout. Ils sont pas tous comme, vous les gens de St Guillaumin au moins…

Françoise.

— Non, tu vois, c’est pas la faute à St Guillaumin… Je suis pas très douée pour le bonheur. Celui qui aime les poules, les forêts, la chasse, la neige, les balades, la montagne, peut être heureux ici aussi bien qu’ailleurs !

Marceau.

— C’est vrai que c’est un chouette coin !

Françoise, poursuivant son idée.

— Il y a des gens heureux partout. Moi, parfois, je me demande s’il y aurait eu un endroit sur cette terre où j’aurais pu l’être. (Elle chasse une fourmi.) Ah! mais elles sont partout ces bestioles ma parole !

Marceau.

— Vous êtes malheureuse Françoise ?

Françoise, la fourmi est sur son doigt, elle parle en la regardant.

— Quelqu’un a dit qu’on reconnait le bonheur au bruit qu’il fait quand il s’en va… C’est joli comme image, non ? Moi, je passe ma vie à écouter ce bruit-là et à le trouver très romantique.

Marceau.

— Vous… vous avez eu une histoire avec Fernand ?

Françoise, même jeu, elle rit.

— Tu voudrais bien le savoir pas vrai ? Qu’est-ce que tu pourrais me donner comme secret en échange ?

Marceau.

— Et bien… je pourrais vous dire que je vais à la chasse !

Françoise.

—… que tu vas à la chasse et que ta mère ne le sait pas ! Oh le beau secret ! À part la vieille Anthyme qui est sourde comme un pot, tout le monde le connait ton secret ! Pauvre petit Marceau ! Tu es sans mystère… Tant pis ! Si tu veux savoir si j’ai couché avec Fernand, approche, je vais te dire la vérité. (Il s’approche d’elle, elle se penche à son oreille.) Je n’en sais rien ! Peut-être que ça a eu lieu ou peut-être que j’en ai seulement rêvé… mais quoi qu’il en soit. C’est mon meilleur souvenir… (Elle dépose la fourmi dans le creux de son oreille puis elle sort. Quand il s’en rend compte il se contorsionne pour s’en débarrasser.)

Florence Delorme & Pierre Launay

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